Magali Brunel (Université Côte d’Azur) et Jean-François Boutin (Université du Québec à Rimouski)
R2-LMM - Vol.11. SEPTEMBRE 2020
La Revue de Recherches en LMM se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la multimodalité : l’éducation, la didactique, la linguistique, la sémiotique, l’éducation aux médias, les communications, les arts visuels et médiatiques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, l’univers social, les sciences de l’information, les technologies éducatives.
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International Standard Serial Number
ISSN 2368-9242
R2-LMM - Vol.11. SEPTEMBRE 2020
Enseigner les corpus numériques
Lieu de publication: Montréal
Éditeur: Groupe de recherche en littératie médiatique multimodale
Date: septembre 2020
Périodicité: bi-annuel
Numéro ISSN: 2368-9242
Vol. 11 | 2020 (septembre)
Depuis la parution de l’article « Pedagogy of Multiliteracies » par le New London Group en 1996, plusieurs chercheurs, ainsi que des enseignants et professeurs, se sont intéressés au développement des « multilittératies » dans des contextes d’apprentissage. De plus, l’importance de la multimodalité dans plusieurs formes de communications met en évidence la nécessité de développer une littératie médiatique multimodale dans des contextes d’apprentissage (Lacelle et al., 2017; Lebrun et al., 2012). La littérature numérique offre un potentiel de développement d’une pensée critique concernant la technologie et les médias (Aarseth, 1997; Ensslin, 2014; Hayles, 2008; Simanowski et al., 2010). Le but de cet article est de démontrer les résultats d’une étude exploratoire menée dans un cégep anglophone où l’auteur a enseigné la littérature numérique à des étudiants. Durant cette étude, les étudiants ont également eu l’occasion de créer leurs propres récits en utilisant l’application numérique Twine. Ce qui ressort de l’analyse des données est la façon dont l’interprétation et la création des textes numériques et interactifs ont engendré une réflexion sur la technologie ainsi qu’une articulation de plusieurs littératies.
Cet article propose une réflexion sur le choix de deux œuvres littéraires numériques par deux enseignantes dans deux contextes d’enseignement différents. Dans un premier temps, il analyse l’application Imagica et l’ebook L’ours et la lune, retenus par les professeures des écoles, comme appartenant au genre de la littérature numérique. Puis, en s’appuyant sur des entretiens semi-directifs, il étudie la lecture numérique des enseignantes et les raisons qui président à l’introduction des deux œuvres dans des classes de l’école élémentaire. Ce faisant, il éclaire des lectures numériques empiriques réalisées par des professionnels et des usages didactiques de l’iPad pour l’apprentissage de la lecture et le développement de la culture littéraire.
Le Québec a adopté au début de l’été 2018 un Plan d’action numérique en éducation et enseignement supérieur. La formation des élèves à la lecture des œuvres numériques jeunesse continue néanmoins de se heurter à des problèmes importants : arrimages inexistants ou inadéquats entre la production et les besoins pédagogiques, formation lacunaire des enseignants, méconnaissance des compétences et des pratiques en lecture numérique des élèves. Ce dernier enjeu, lié à la réception des œuvres numériques jeunesse, est pourtant capital puisqu’il détermine le travail des créateurs et des éditeurs, mais aussi les usages scolaires de ces œuvres. Cela nous a amenés à nous demander à quelles représentations des lecteurs et des usages des œuvres numériques destinées à la jeunesse se réfèrent les concepteurs de contenus numériques et les enseignants dans leurs pratiques respectives. Les résultats de notre recherche, menée auprès de 5 concepteurs et de 43 enseignants, montrent qu’ils connaissent peu les modes de réception des jeunes lecteurs et qu’ils entretiennent encore un certain nombre de préjugés à l’égard de la littérature numérique.
Dans le cadre d’une recherche collaborative menée (établissement) avec un groupe d’une dizaine d’enseignants de français, l’article se propose de décrire les formes et les spécificités que peut prendre l’enseignement des œuvres numériques dans les classes du secondaire. Dans la continuité d’expérimentations menées dans le supérieur (Saemmer, 2010) ou dans le secondaire (Bouchardon, 2014) avec des supports qui n’étaient pas spécifiquement littéraires (Lacelle et Lebrun, 2014) il s’agit de mieux documenter l’étude de l’œuvre numérique dans la classe, d’étudier le processus de transposition didactique à l’œuvre, dans ce cas particulier où l’objet enseigné n’apparaît ni dans les pratiques courantes ni – explicitement – dans les programmes officiels en France. En nous appuyant sur le travail de l’enseignant, nous cherchons quelles évolutions ou permanences ont permis « la construction de l’objet enseigné » (Schneuwly et Dolz, 2009) et analysons particulièrement l’intégration de l’étude de l’œuvre numérique à l’échelle macro de la séquence, puis à l’échelle plus micro des dispositifs et objets enseignés dans la séance, en lecture et en écriture.
Notre article présente une recherche portant sur l’enseignement d’œuvres littéraires numériques dans quatre classes de français au secondaire post-obligatoire (projet « lecture-littérature-numérique-2 »). Le projet interroge notamment l’intégration du numérique dans un cursus disciplinaire sous forme de dispositifs innovants. L’analyse de deux sources de données (représentations des enseignants avant et après la séquence; planification des séquences d’enseignement-apprentissage) permet d’explorer l’intérêt déclaré et effectif des enseignants pour la littérature numérique, ainsi que la potentielle évolution des objets enseignés, lorsqu’on lit un corpus d’œuvres littéraires numériques en classe.
L’article interroge les déplacements réflexifs éventuellement provoqués chez des professeurs par des situations d’échanges en forums lors de stages de formation continue en France. Sont remises en question les évolutions des représentations ainsi que les attitudes. Il s’agit de comprendre si les mises en situation préparent à l’élaboration de gestes didactiques spécifiques aux enseignements littéraires hybrides. Le cadre théorique associe des travaux de didacticiens sur les usages du numérique dans l’enseignement de la littérature à la notion de tutorat hybride. Les analyses des billets échangés par les enseignants, des transcriptions de leurs échanges synchrones et des retours métaréflexifs sur les expérimentations informent sur des prises de conscience. L’étude montre également quelles interrogations et inquiétudes sont liées aux usages scolaires de forums de lecteurs.
Pour éclairer le choix qui se pose au professeur de littérature entre un cours dédié au numérique et un cours intégrant le numérique comme un des paramètres de son enseignement, l’étude propose trois approches successives : par les objets d’enseignement, par les usages en formation, par le recueil de représentations.
Si l’intégration d’œuvres numériques au cours de littérature s’envisage aisément dans une perspective d’histoire littéraire aussi bien que dans celle d’une lecture analytique (Bootz, 2019; Dall’Armellina, 2015; Petitjean et Brunel, 2018), le regard porté sur des expériences menées en formation amène à percevoir beaucoup plus radicalement les perturbations engendrées par le numérique sur les repères distinctifs de l’œuvre, de la littérarité ou de l’auteur singulier (Bouchardon, 2014; Gefen, 2012; Saemmer, 2018). Le déplacement de l’attention vers l’intérieur des processus de création, favorisé par les usages de la production numérique et renvoyant à un principe d’apprentissage littéraire par l’expérimentation (Dewey, 1934), sollicite le déploiement d’une armature didactique qui n’ignore pas les spécificités de l’écriture sur écran (Lacelle et al., 2017; Petitjean et al., 2017). Pour documenter ce troisième plan, deux enquêtes ont été menées en parallèle auprès d’enseignants (75 répondants) et auprès d’écrivains et apprentis écrivains (90 répondants). Leur analyse comparée met en évidence un certain nombre de clivages entre les représentations et les pratiques effectives, mais également une appétence des enseignants pour une meilleure connaissance des mutations des pratiques rédactionnelles des écrivains.
L’étude est menée avec le concours du groupe de recherche « Écriture créative en formations : enjeux épistémologiques et méthodologies de recherche » de l’Initiative d’excellence Paris Seine.