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Processus et stratégies - Synthèse et retombées

CARACTÉRISTIQUES

Trois caractéristiques principales de l’écriture numérique: hypertextuelle, multimodale et collaborative.

  • L’écriture hypertextuelle et multimodale implique l’élaboration d’une architecture textuelle (design/framing) non linéaire (par couche) qui pense en amont l’articulation des modes d’expression et des contenus (complément, redondance, relais…) et les parcours de lecteurs. La recherche d’information fait partie de la phase d’architecture. Dans les pratiques informelles (et de plus en plus à l’école) le mode de construction des hypertextes multimodaux est collaboratif (ex : Wiki). La collaborationpeut avoir lieu à toutes les phases du processus d’écriture. La collaboration entre pairs pour l'édition est en général positivement perçue. (Jelderks, 2012),
  • L’écriture hypertextuelle et multimodale exige la maitrise de compétences multimodale (multisémiotique) + techniques (potentiel de l’outil technologique/du logiciel d’écriture) + design (architecture textuelle). De plus les séquences discursives peuvent être variées.
  • Écriture aussi caractérisée par l’interactivité. Des manipulations sont ainsi requises de la part du lecteur pour qu’une création dite interactive puisse se dérouler. Cette dimension manipulable du texte, mais aussi de l’ensemble des formes sémiotiques, ouvre un large champ de possibles dans les créations interactives. Nous manquons néanmoins d’outils, notamment sémiotiques, pour les analyser.  (Bouchardon, 2011)

 

FORMES TEXTUELLES

Trois formes de textes sont privilégiées en éducation: l’hypertexte, l’hypermédia et le multitexte

Le producteur d’hypertextes, d’hypermédia et de multitexte doit prévoir des parcours possibles de lecteurs. Le lecteur est donc appréhendé d’une autre manière. Le producteur doit fournir un mode d’emploi du design de son hypertexte. Non seulement il est difficile (voire impossible) de prédire un parcours type (trop influencé par le lecteur/producteur), mais il est tout aussi impossible de prédire la lecture qu’en fera un lecteur.

Quatre composantes de la production multimodale:

1- Matérialité:les ressources sémiotiques (textes, images, sons)
2- Framing(architecture visuelle): La manière dont les éléments de la composition visuelle s’articulent, sont disposés, combinés.
3- Design: Comment les individus font usages de ressources particulières pour mettre en forme leurs représentations.  
4-Production: création et organisation d’une représentation. Inclut la production (ou création)= site Web, film, podcast, visual text, théâtre…AINSI que les compétences techniques.

 

CHANGEMENT DE PARADIGME

Changement majeur contribuant au changement de paradigme: nouvelle sémiotique et rhétorique du numérique.(Bachimont, 2004; Crozat et al., 2011). La rhétorique de l’image et les stratégies visuelles ne sont pas nouvelles mais ont une importance accrue par la nature interactive et multimodale de l’écriture médiatique.Il est suggéré de soumettre les élèves à l’analyse rhétorique de différents design textuels afin de dégager le public cible, la situation (ou le sujet), le contexte culturel en développant leur esprit critique.

La recherche de Edward-Grove (2010) démontre que l’importance accordée au design, à la présentation et la production en classe exige une formation centrée sur le processus multimodal d’écriture. Deux conditions pour réussir ce changement de paradigme :

1- L’écriture multimodale : utiliser le multimedia et la technologie dans le processus d’écriture en faisant appel au design et à la créativité.
2- Nouvelle pédagogie de l’écriture : favoriser l’interactivité et la collaboration dans la classe et les espaces d’apprentissage.

 

NOUVELLES LITTÉRATIES

La «translittératie» est l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais de plateformes et de moyens de communication multiples (Thomas, 2007). Le terme désigne l’ensemble des compétences d'interaction, mises en oeuvre par les usagers sur tous les moyens d'information et de communication disponibles : oral, textuel, iconique, communicationnel, numérique, etc. (Serres, 2012).

La littératie médiatique multimodale(LMM) est considérée comme l'habileté à accéder à des textes multimodaux, à les analyser, à les évaluer et à les créer à travers une variété de contextes (Livingstone, 2004; Hobbs et Frost 2003).

Littératie hybride : Afin de reconnaître l’hybridité des littératies de nos élèves, il faut mieux comprendre les caractéristiques rhétoriques visuelles et interactives de textes numériques. L’écriture numérique est de nature hybride, à la fois verbale, spatiale et visuelle. (Hocks, 2011).

 

COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES

L’écriture de textes numériques (hypertexte/hypermédia) exige la maitrise des codes propres à chaque composante sémiotique ainsi que les codes permettant de mettre en rapport les différents documents les uns avec les autres – indications verbales (les légendes) ou non verbales (contigüité dans l’espace de la page, flèches, encadrés) des rapports entre ces composantes. » (Bautier et al. 2012, p. 7).

La compétence à «créer» un texte grâce à la technologierepose sur trois dimensions : le design, la production et la présentation (Edwards-Grove, 2010). Selon Edwards-Grove, dès le préscolaire on peut travailler le Visual design (ex : fonction des couleurs), gestural design (ex : position du corps),  linguistic design (ex : phrases écrites),  spatial design (la disposition du texte dans l’image) and  auditory design (lire et enregistrer un texte sur un logiciel d’histoire illustrée). Un enseignement explicite de l’écriture doit comprendre toutes les ces «éléments de design».-Développer des connaissances méta-scripturales spécifiques au numérique (Dabène, 1991)  (Crozat et al., 2011)

Les nouvelles pratiques sociales, textuelles et technolittéraciques permettent aux élèves de «designer des textes mutimodaux» à travers des interfaces tels que les blogues, Flickr, Facebook, les podcast (ballodiffusion) et Twitter.

 

Les compétences en littératie numérique regroupe trois capacités:

  • la capacité de se servir d'une façon efficace d'un ordinateur et de l'internet, la compréhension de leur fonctionnement;
  • la capacité de trouver l'information, la comprendre dans son contexte de façon critique, saisir l'importance de certaines éléments comme le régime de propriété, les intérêts commerciaux en jeu, la présence éventuelle de censure, les tentatives de propagande; 
  • la capacité de créer et de diffuser des messages sur différents médias, de comprendre et d'utiliser les forces et les limitations de chacun d'entre eux, de s'en servir de façon autonome et indépendante. (Lebrun, Lacelle, Boutin, dans Globe, 2013).

 

Le producteur doit pouvoir fournir un mode d’emploi de l’architecture de son design de son hypertexte. Selon Davida Charney (1994), rappelle que l’hypertexte peut tenter de programmer le lecteur mais que celui-ci lit aussi avec son imagination, sa créativité ses intérêts, ses connaissances, son style cognitif…, ce qui est difficile à prédire.

 

PROCESSUS SPÉCIFIQUES

Processus sémiotiques mobilisés à la fois créatifs et techniques (Edwards-Grove, 2010). La «technologisation» de l’écriture permet aux jeunes d’utiliser leur imagination et leur créativité en combinant, de manière multimodale, les modes écrit, visuel et numérique (Kress, 2003).

Pratiques d’écriture réelles subissent des changements induits par l’apparition des technologies informatiques. Anis (2000) se réfère donc, en ce qui le concerne, à la linguistique génétique pour l’étude de la « matérialité des processus d’écriture », à la graphématique, pour celle des graphèmes et des espaces graphiques, ainsi qu’à la sémiolinguistique. (dans Marty, 2004).

L’écriture est maintenant multidimensionnelle. Or le processus de construction de texte se complexifie lorsqu’on ajoute de la musique, des sons, de la narration, des animations, des images numériques, etc., au texte écrit. (Campbell Stephens and Ballast 2011). Les enseignants ont à composer avec ces nouveaux défis.

Les élèves s’engagent dans des micro-planifications et des micro-rédactions. Bref, les scripteurs ont tendance à ne pas faire une planification globale de leur texte mais à davantage travailler par paragraphes. (Étude de Asaf, 2011)

Selon Mangenot (2008), l'utilisation d'un logiciel en ligne (ici ScribPlus, développé par l'université de Grenoble) est un facilitateur procédural qui permet d'éviter la surcharge cognitive en se concentrant mieux sur certaines prescriptions spécifiques relatives à l'écriture.

La modularité, la transmissibilité et l’indexabilité remodèlent la littératie en ligne en une sorte de « playlist » de chansons dans un énorme iTunes de culture numérique. (Alan Liu, 2012).

L’idée que l’hypertexte serait plus naturel et plus intuitif que le texte traditionnel repose sur le fait qu’il existe une correspondance structurelle entre les réseaux d’information construits dans la mémoire à long terme et ceux de l’hypertexte. (Rouet, 2006)

 

LES SUPPORTS TECHNOLOGIQUES

Les supports qui dictent les usages : Selon Sullivan (2010), en utilisant le iPad, l'élève est guidé dans son processus d'écriture, a accès à un système d'apprentissage, à des sources d'information électronique, de même qu'à un éditeur en ligne. De plus, elles sont souvent fournies aux élèves avec des applications intégrées (Safari, Photos, Videos, YouTube, iTunes,FaceTime, Camera, et iBooks). (iMovie et MovieMaker). Pour Miller (2007), la production vidéo constitue la quintessence de la littératie médiatique multimodale, car elle permet l'orchestration des différents modes sémiotiques. Elle peut également couvrir tous les aspects d'un programme de langue maternelle.

Il appert que l’analyse de l’écriture, d’un type d’écriture, doit en passer par l’analyse des propriétés de son support d’inscription, même si elle ne peut s’y réduire. Les pratiques se construisent en fonction de possibles techniques confrontés à des usages, et donc que le support matériel joue un rôle dans la structuration des connaissances.  (Bouchardon et al. 2011)

 

LES PLATEFORMES ET LES LOGICIELS

Les plateformes/logiciels dictent les usages :les plateformes numériques induisent des transductions (Domingo , 2014). Le forum est un outil très présent dans les dispositifs de formation, qui en font une utilisation prédominante, voire exclusive. Comme le note Mangenot (2008), les différentes plateformes ou collecticiels (WebCT, Moodle, Dokeos, Quickplace, etc.) intègrent tous cet outil, selon des ergonomies variables.Le document numérique permet l'exploitation de tous les types d'associations grâce à l'utilisation d'un supportcalculable commun et offre donc la possibilité de construire des configurations sémiotiques faisant appel à tous les modes de représentation de façon systématique. (Ghitalla, 1999).

Par exemple, les logiciels utilitaires comme le traitement de texte laissent un grand contrôle à l’élève. De là, ils favorisent davantage l’autodétermination et, par conséquent, la motivation (Newhouse, 2002) Le traitement de texte, par sa nature même, délinéarise le processus d’écriture, en éliminant la dichotomie premier jet vs version finale, en facilitant la modification du texte, en permettant d’accéder à des ressources plus facilement (Anis, 1998).

 

EXERCICES DIDACTIQUES

Plusieurs moyens de travailler l’écriture numérique: remixing, transduction/transmodalisation, transfictionnalisation…Ex : procédé de création de "textes" multimodaux à partir de ressources diverses (textes, vidéos, images fixes, sons, etc) préalablement existantes et détournées de leurs fins premières. Rédaction d'une page web : combiner la tagmémique à la métaphore (Bacci, 2010). Le logiciel EXCEL pour le développement et l'organisation des idées (Design). Le portefolio électronique facilite l'utilisation avec des stratégies telles que, par exemple, les hyperliens, la construction de schèmes de navigation. (Rice, 2002)

 

NOUVELLES PROBLÉMATIQUES

Problème pour les élèves faibles : les textes composites «prennent une place importante dans les classes, confrontant certains élèves à des difficultés d’autant plus grandes que le « mode d’emploi » cognitif de ces supports leur est peu fourni par les enseignants et que ces textes ne sont pas toujours traités dans une visée de construction conceptuelle, ou plus largement de savoirs.»(Bautier et al. 2012, p.2)

Les pratiques numériques d’écriture extrascolaires correspondent pour les élèves à « des pratiques d’écriture non assumées car non reconnues comme telles et qui s’exercent sur des objets écrits non – encore – conventionnels » (Perret et al., 2012, p. 3). Du point de vue des élèves, « laisser un post », « twitter », « googler », « texter », « chater » ne sont pas synonymes d’ « écrire », ce dernier étant davantage assimilé aux pratiques (numériques ou non) d’écriture en contexte scolaire. À cause de sa prépondérance dans la vie sociale des élèves, l'écrit numérique devient banal pour eux. Par ailleurs, la question de l'écrit scolaire devient plus relié aux fautes d'orthographe.

L’hypothèse centrale, défendue par Penloup (1999, 9, ds Marcoccia, 2010, 3) : la didactique de l’écriture peut bénéficier d’une meilleure connaissance du domaine de l’écriture extrascolaire. Il faut savoir si celle-ci constitue un levier ou un obstacle. Voir aussi l'article de Penloup & Liénard (ds Marcoccia, 2010) sur les  diverses formes d’écriture numérique comme le courrier électronique, les blogs ou les SMS.

Lier lecture et écriture numérique. Ainsi, certains romans sont assortis de sites Internet proposant des vidéos ad hoc , ou encore de blogs de personnages  ex: le roman Skeleton Creek, de Patrick Carman) ex: le projet Cluedopéra en collaboration avec l'opéra de Reims: jeu vidéo interactif permettant d'écrire un scénario. (voir Perret et Massart-Laluc, 2013,  pour ces exemples et d'autres)

Les enseignants s’inquiètent des risques d’interférence entre l’écriture électronique (ou « langage SMS ») et l’écriture scolaire. L’école devrait utiliser ces caractéristiques pour faire réfléchir les élèves aux écarts morphosyntaxiques entre le français standard et sa variante électronique. (Penloup, 2007).

Dans leurs manières de communiquer, les élèves emploient ce que les professeurs considèrent comme du plagiat  (Per-Olof Erixon, 2012). Ils font du collage.  Comment considérer ces traces de lecture? Quel statut leur donner?

Conclusion de la recherche Rouet (2006): les jeunes ont de la difficulté à construire leur propre parcours dans l’hypertexte car ils n’appréhendent pas la forme d’où l’intérêt de leur faire écrire un hypertexte.

Dominance de l’attrait pour certains types de texte en ligne informatif/explicatif au détriment du narratif. De plus, les tests à l'écran utilisent souvent les questions de type informatif.

Ne pas amalgamer pratiques d'écriture intensives sur les réseaux sociaux et aisance  dans la consultation des sources Internet. En fait, les élèves ont besoin d'encadrement pour consulter les sources d'information crédible.

Ne pas confondre la relative aisance technique des élèves concernant les nouveaux outils informatiques avec leur connaissance des potentialités de ces outils pour l'apprentissage (scolaire ou pas). Bourdeloie (2012) parle de "manque de culture informationnelle et d'esprit critique face au web" (p. 2)

Être concient que des clivages existeront toujours entre les forts et faibles, malgré les dispositifs d'écriture numérique. Selon Bourdeloie (2012), ces dispositifs, en requérant des compétences liées à toute forme d'écriture ((ex, langagières, textuelles), compétences liées d'ailleurs à la culture légitime, favorisent encore les plus "lettrés".

Plus que de les former aux TIC, ou encore à l'écriture numérique en soi, il faut former les élèves à la translittératie (Bourdeloie, 2012; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012) qui intègre l'éducation aux médias et la multimodalité. Cette translittératie suppose des compétences transversales.